LE TERRIER DU PANDA

Ecart(s) Mag - #4

LE TERRIER DU PANDA

A l’heure où le jour et la nuit se disputent les honneurs, militants et curieux s’attroupent autour d’une gare érigée en point de ralliement dans la grisaille apparente. Drapeaux au vent et l’excitation certainement pas en berne, l’assemblée croît au rythme des cris et chants de circonstance. Résonnant sur le pas de portes entrouvertes par la surprise, quelques « Shoah ananas » semblent percer dans la mêlée. Pour éviter « toutes pressions », les organisateurs du meeting qui se prépare ont préféré garder secret le théâtre de leurs opérations. Guidée par le vacarme rageur du cortège, notre plongée dans l’antre d’un soir du parti Debout les Belges – en campagne – peut commencer. Sur les parois dégoulinantes du terrier du panda viennent s’écraser les basses du dernier espoir et un air trop saturés. Ce soir, c’est papillon à la carte.

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« On va te le faire bouffer ! »

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LA REACTION DE FRANCOIS FORET

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Nous avons montré notre reportage à François Foret, professeur de science politique à l’ULB et spécialiste des dimensions symboliques du politique, de l’identité européenne et des rapports entre politique et religieux. Il est notamment l’auteur de « Légitimer l’Europe. Pouvoir et symbolique à l’ère de la gouvernance » (Presses de Science Po, Paris, 2008).

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« La mise en scène du meeting apparait minimaliste et artisanale. Cela peut refléter tant la réalité de ressources limitées et de la faible professionnalisation des « cadres » que la culture et la stratégie du groupuscule. Le secret, l’improvisation, la victimisation participent aussi de cette auto-construction comme minorité opprimée, en lutte dans l’ombre contre un ordre oppresseur. Ces éléments ne sont pas très originaux et peuvent se retrouver dans nombre de formations adoptant ce positionnement. Même des forces politiques beaucoup plus institutionnalisées et puissantes (comme le FN français) en gardent des traces, on voit parfois combien il est difficile de sortir de cette culture pour évoluer vers celle d’une entité prétendant se poser en alternative de gouvernement.

 

Les attaques ad hominem sont également une grande tradition des partis anti-systèmes et des forces de contestation. Elles peuvent porter sur le physique, les origines sociales ou ethniques, les préférences culturelles ou sexuelles des adversaires pris pour cible. Il s’agit toujours de tracer une frontière d’altérité entre « nous » et « eux », de montrer que la normalité et la vertu sont du côté des rebelles, et de désigner des boucs émissaires.

Ces formations se vivent comme une réaction spontanée et nouvelle, mais empruntent souvent un répertoire d’action déjà disponible et parfois très ancien. La reprise de gestes « à la mode » comme la quenelle n’est pas étonnante, cela peut être perçu comme un moyen de s’inscrire dans une lutte plus large, de provoquer pour attirer l’attention des médias, voire simplement de compenser un manque d’imagination… »

 


LES PLUS

 

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Populisme, l’Europe en danger, Antoine Vitkine, Arte, 2014.

lesplus-videoLe clip de campagne de Laurent Louis.

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